• Tous les combattants en Algérie ont subi la seconde guerre mondiale et il
n’était pas rare que leurs grands-parents soient des rescapés de celle de 14. Pour
nous la guerre était omniprésente dans notre jeunesse et nous avons été élevés
avec l’idée d’une grande France comprenant de vastes territoires en Indochine et
surtout en Afrique : Le Maroc, la Tunisie les 3 départements algériens et l’AOF et l’AEF
Il n’était donc pas anormal pour la plupart des appelés d’aller défendre les intérêts de la France, d''autant plus que cela nous était présenté comme le « service militaire » obligatoire
qui l’a été jusqu’en 1999. Nous étions mineurs et à cette époque un mineur n’avait pas le droit
de s’exprimer librement et l’information n’était diffusée que par la Radio et les
journaux. Certaines personnes mieux informées se sont manifestées contre cette
guerre.
• Le climat en France était entre 1956 et 1963, très tendu et dans les grandes
villes beaucoup d’attentats : entre Algériens à la bombe et par fusillade dans les
villes industrielles avec forte main d’œuvre maghrébine, entré MNA et FLN
d’abord, puis entre les différents clans FLN puis ensuite l’OAS à partir de 1961.
. Une grande répression policière comme le 21 octobre 1961 à Paris.
• Certains rappelés ce sont insurgés et ont saccagé des quartiers entiers
comme le 404eme régiment d’artillerie Antiaérienne de Valence.
Les préparatifs et le départ
• La plupart d’entre nous a commencé à travailler à 14 ou 16 ans, ceux qui
étaient dans l’agriculture n’étajent pas payés et les autres reversaient leurs
salaires à leurs parents. A 18 ans on passait le conseil de révision pour être
déclaré apte ou non au service et à 19 ans et quelques semaines on allait 3
jours dans une caserne pour y être jaugé et classé.
• Quelques jours avant nos 20 ans on recevait une feuille de route qui indiquait
le lieu de regroupement la date et l’heure, le régiment d’affectation et le rappel
des sanctions en cas d’absence. Les raisons de ces affectations n’étaient jamais
indiquées et on savait simplement par déduction : que tous les fils uniques
partaient directement et que les chasseurs allaient principalement dans des
régiments d'infanterie.
• Dès l’instant qu’on était dans la cour les commandements fusaient souvent
brutaux et grossiers et dès que l’on avait notre paquetage et étions déguisés les
envoyés directs en Algérie commençaient un long voyage.
• Par camion jusqu’à la gare, conspués et hués par des antimilitaristes et anti
Algérie massés sur le parcours.
• Ën train (d’une lenteur reconnue) souvent jusqu’à Marseille ou on était parqué
au camp de ste-Marthe réputé pour son insalubrité au milieu des punaises, des
cafards et des rats. Dormant dans des châlits parfois en plein air, tout habillé et
la faim au ventre car la pitance était repoussante
En bateau à fond de cale rapidement envahi par les vomissures et leurs
odeurs, ayant pour seul confort sa capote (long manteau d'hiver) étendu sur le
sol.
• Le camp d’accueil et de répartition en Algérie pendant quelques jours.
Pour les plus chanceux une affectation relativement proche, pour d’autres des
heures de train ou de convoi jusqu’aux confins du désert.
• Ceux qui étaient affectés en France ou en Allemagne allaient sur leur lieu
d’affectation et tous ne sont pas partis en AFN. La durée légale était de 18 mois
de 18 à 24 mois ADL au-delà de la durée légale la solde était augmentée (env.
0,42 fr de base par jour, soit 0,64 € de nos jours) il en était de même au-delà
de 24 mois SUPERADL augmentation de la solde et pour les sous-officiers et
officiers appelés, une solde comparable à un salaire souvent plus élevé que
dans le civil. Pour ceux d'Algérie une permission de 3 semaines après 16 mois
et une autre dite libérable à 27 mois ce qui faisait un total de 28 mois.
Les classes
• Durent 3 mois au minimum, en général en ville : maniement d’armes, initiation
à l'orientation, commandement, close combat, mur du combattant. Au bout du
1er mois orientation de certains vers les classes préparatoires à l’école des
officiers de réserve. Sauf punitions (ce qui est courant) permissions de sortie le
soir à partir de 18 heures, couvre -feu à 22 heures.
• Après 3 mois départ en zone opérationnelle pour les non sélectionnés aux
spécialités comme topographe, radio, comptable etc...
• Quelle que soit l’arme (génie, artillerie, transmissions ...) tous les soldats
étaient d’abord des fantassins et effectuaient : patrouilles, surveillance,
embuscades etc...
• Comme il n’y avait pas de front comme en 14 ou 40, et qu'il s’agissait d’actions
subversives les artilleurs aériens n’ont jamais tiré un coup de canon sauf à
l’entrainement (absence d’aviation ennemie). Les artilleurs de campagne étaient
aux frontières et seules quelques unités étaient en appuie-feu lors d’opérations
Les postes et l’habitat,
• 5320 postes répartis de 15kms en 15 krns pour s’autoprotéger. Situés souvent
sur des pitons montagneux ont été construits par les soldats eux-mêmes. En
attendant leur achèvement l’habitat était réduit aux tentes, aux mechtas
abandonnées, aux trous creusés recouverts d’une tente, seul moyen pour se
protéger des tirs ennemis en l’absence de murs de protection. Certains appelés
affectés dans des unités constamment opérationnelles n’ont jamais connu
d’habitat normal.
• Impossibilité de sortir du poste sans donner l’occasion de se faire pointer, le soldat vivait reclus sans autre distraction que les jeux de cartes, les beuveries au foyer (concours de Bâo), l’écriture en réponse au courrier reçu.
• L’alimentation était à la charge d’un préposé qui faisait les « courses » une au
deux fois par semaine au marché le plus proche. Nécessité d’un convoi
spécifique armé. La cuisine était faite sur place, ainsi que le pain.
• Chaque poste avait une autonomie financière.
• Pas d’eau sauf des citernes de ravitaillement qui puisaient dans l’oued le plus
proche en hiver ou au puits l’été. La consommation était rationnée.
• L’éclairage, un groupe électrogène à la tombée de la nuit avec couvre feu à 22
heures au plus tard. Ensuite bougies à la charge du soldat.
• Tours de garde les jours d’astreinte qui revenaient plus ou moins vite suivant
l’effeétif total. 2 heures toutes les 6 heures par tous les temps et complètement
armé en campagne, 5 cartouches seulement en ville.
L’hygiène les soins,
• Sauf en casernement en ville, il n’y avait pas de douches.
• L’eau étant rationnée, toilette succincte à l'aide du casque lourd en guise de
cuvette.
• L’habillement était rarement conventionnel surtout l’été ou le short était de
rigueur (souvent personnel), autrement treillis et chapeau de brousse. Les
chaussures (pataugas) normalement fournies l’étaient avec parcimonie. Il n’était
pas rare de s’en faire envoyer par les familles. L’Hiver, rangers. Aucune
protection contre les tirs adverses.
• Lessives par le soldat séchage à l’air libre suivant les ordres des gradés, (à
cause de l'eau).
• Quand le temps était au beau ablutions ans les oueds s’ils n’étaient pas à sec
ou dans les réservoirs d’eau. Pour les plus chanceux baignades à la mer, mais
toujours sous escorte et surveillées militairement.
• Les feuillées souvent en pleine nature légèreement protégée par un muret de
façon à ne pas être la cible de tirs. Communes à tous les grades. Les journaux
remplaçaient le papier hygiénique.
Un infirmier (souvent soldat ayant une spécialité) rarement un médecin sinon
celui de la base arrière. L’hôpital en ville. Evacuation sanitaire héliportée.
Les missions
• Pour beaucoup elles étaient d’infanterie, et pour les appelés (troupe de
réserve générale) patrouilles pour débusquer et contenir et appeler des
commandos (militaires composés à 80% d'engagés) pour éliminer. Les officiers
supérieurs étaient de carrière et sortaient de grandes écoles.
• Quelques artilleurs effectuaient le travail pour lequel ils avaient été formés
surtout aux frontières.
• De nombreux stages étaient proposés en cours de service. Le P2 pour passer
sous-officier, et des spécialités : armes spéciales, munitionnaires fourrier...
• Dans les postes il manquait souvent d’officiers et les sous-officiers
accomplissaient leurs tâches. Des garçons de 21 ans se trouvaient, alors, à avoir
des responsabilités qu’ils n’auraient jamais eues dans le civil. Valorisant certes,
mais décevant au retour en France expliquant ainsi de nombreux engagements.
La solde aussi était une motivation 750 Frs contre 500 dans le civil pour un
employé de commerce, (respectivement 1152 € et 767 € de nos jours)
Relations avec les populations.
• Lés musulmans : La guerre d’Algérie a été la première guerre subversive
importante et les relations étaient toujours empreintes de méfiance, mais cela
n’empêchait pas une certaine sympathie. Beaucoup de responsables de douars
étaient d’anciens combattants. Il n’était pas rare d’être accueilli avec le thé à la
menthe ou le café (Kavoua). Ce qui frappait c’était leur profond dénuement,
L’hygiène comparable a la nôtre , mais d’une façon permanente. L’absence
d’écoles.
• Dés soldats en dehors de leurs missions étaient affectés à leur venir en aide.
Beaucoup ont été instituteurs, infirmiers, administrateurs surtout dans le bled.
• Les pieds-noirs dans leur ensemble nous ignoraient, nous n’existions pas.
• Quelques-uns cependant nous recevaient aux fêtes, dans les catégories
employés, ouvriers, petits commerçants. Les premiers qui souffrirent de
l’abandon de l’Algérie. D’une façon générale les appelés étaient pour eux « des
communistes » par le fait même que l’appelé ne comprenait pas le retard social
des musulmans en regard des 130 ans dé présence française. Autre aspect et
pas des moindres : Pendant la seconde guerre mondiale, l’Algérie était
Pétainiste et n’avait accueillie De Gaulle que par l’espoir du 13 mai 58 qui fût
déçu dès le 16 septembre 59.
Le retour
• Il ne faut pas oublier que nous étions partis faire notre service militaire et qu’en
métropole on ne connaissait que « les opérations de maintien de l’ordre ».
• Là censure était si hermétique depuis le massacre de Palestro que rien ne
filtrait. L’information était verrouillée et toutes les émissions ou documentaires
traitant du sujet étaient encadrées par l’armée, (ex 5 colonnes à la une). Le
journal « Bled » spécifique de l’armée ne traitait jamais du détail des opérations,
et de ce fait nous ne savions pas trop ce qui se passait dans les autres unités.
Les pertes au combat n’étaient jamais évoquées. Le retour des victimes ne se
faisait que rarement en temps réel. Les Français ignoraient tout, sauf quelques-
uns qui n’avaient pas intérêt à le faire savoir.
• Par conséquent, évoquer ce que nous avions vécu attirait les réponses du
genre « Si tu te souvenais le l’exode » ou « demande à ton grand-père en 14 ».
Et puis il fallait d’abord retravailler, trouver un emploi pour beaucoup, gagner sa
vie....